On peut entendre, partout, sans cesse, depuis quarante ans, comme une litanie terrible, une implacable prédiction, une prophétie, que la France, et l’Europe, ont besoin, pour survivre, pour exister, de sans cesse plus de « diversité« . Diversité culturelle, diversité ethnique, diversité religieuse. Notre civilisation en aurait un besoin vital, il y aurait un manque à combler au plus vite, des greffes à apporter d’urgence, des sceaux entiers de diversité à déverser çà et là, de n’importe quelle provenance, tant que c’est différent et que l’ancienne civilisation en est recouverte, peinturlurée, pareille à ces vieilles femmes sur-maquillées qui croient ainsi retrouver quelque jeunesse et quelque fraîcheur avant que de ne se perdre.
Toute la gauche bienpensante ainsi qu’une partie de la droite est à l’oeuvre dans ce dessein. On se souviendra par exemple des déclarations de Martine Aubry : « 35 % de Maghrébins, eh bien c’est génial ! Moi, je m’emmerde dans une ville où on est tous pareils« , ou de Jean-Luc Mélenchon : « Je ne peux pas survivre quand il y a que des blonds aux yeux bleus… c’est au-delà de mes forces », ou encore de Nicolas Sarkozy : « l’objectif, c’est de relever le défi du métissage. Défi du métissage que nous adresse le 21ème siècle. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation, c’est un impératif.[…] Si ce volontarisme républicain ne fonctionnait pas, il faudra que la république passe à des méthodes plus contraignantes encore. » A vrai dire, presque tous sont concernés, élus ou simples moutons de la bienpensance, car il est de bon ton de soutenir cette hypothèse, ce presque axiome, il s’agit en effet d’un véritable facteur d’acceptation sociale, le rejet étant radical et immédiat dans le cas d’avis trop divergents. Il est d’usage de se dénigrer en tous lieux.
Lorsque j’entends tout cela, à tort et à travers, sincèrement, je m’étouffe, je m’étrangle, et j’ai envie de pleurer. Je me sens insulté, rabaissé, humilié, moi et ma civilisation, mon peuple, mon histoire. J’ai la sensation de prendre des coups. Il faut vraiment soit ne rien connaître, soit ne rien aimer de notre diversité culturelle propre, à l’échelle de la France ou de l’Europe, pour nourrir ces noires pensées ou ces cruels desseins. Sur une terre où chaque village porte ses propres traditions, véritables ramifications de la base culturelle européenne, où chaque région préserve ses colorations et ses particularités, chaque pays enfin ses variétés et ses images toutes différentes et pourtant visiblement toutes issues d’un même socle culturel indo-européen. Allez dire aux villages bretons, basques, corses, alsaciens, bourguignons, pyrénéens, ou aux parisiens, qu’ils sont trop peu divers dans leurs us et coutumes, dans leurs créations régionales, allez dire aux slaves, aux latins, aux germains, aux britanniques, aux portugais, aux grecs, etc, que malgré leurs différences et leurs millénaires ils ne sont pas assez divers et qu’il faut les nourrir, tous, à la cuillère, ou à la perfusion s’il le faut. Comme une civilisation en état de mort cérébrale, un cadavre qu’on essayerait de ressusciter. C’est insultant. Violemment insultant. La civilisation européenne a créé une immense part des richesses que ce monde se partage ou contemple. Millénaire après millénaire elle a bâti son arbre puis sa forêt, à partir de cette souche, de cette racine profonde indo-européenne. Sa diversité est infinie, merveilleuse, des collections d’encyclopédies ne la contiendraient pas décemment.
C’est cela la véritable diversité, mêlée avec une juste dose d’ouverture au monde. Pour prendre un seul exemple de diversité extra-européenne raisonnable : un restaurant étranger, ouvert dans une petite ville, peu importe où. Ce dernier est forcément adapté à son environnement, tant que possible, car seul ou presque, il doit être en concordance avec l’autochtone et lui plaire. Et du point de vue de l’autochtone c’est une ouverture intéressante, une invitation à l’exotisme, à la découverte de l’autre, sans que l’autre ne soit partout tout le temps. Lorsque le nombre de ces restaurants et des populations qui vont avec s’accroît jusqu’à une certaine densité, ils atteignent le point d’autosuffisance et n’ont plus de raison de s’adapter ou de se faire accepter. Et d’ailleurs, ils n’intéressent même plus, ils inondent seulement. Voilà où devrait s’arrêter la véritable diversité : la puissance de nos ramifications culturelles et quelques ouvertures ponctuelles au monde extérieur et au partage, ainsi qu’une invitation au voyage et à l’échange enrichissant. Aucune inondation n’est enrichissante, seulement étouffante et spoliatrice à terme.
La diversité réside déjà depuis des temps immémoriaux au sein de nos contrées, de nos villages, de nos régions, de nos pays. L’Europe est l’expression de ce principe d’unité culturelle auto-diversifié. Une civilisation ne vieillit pas comme une vieille femme, elle n’a pas d’âge, ses principes originels sont seulement en évolution. Une civilisation meurt rarement autrement que dans la violence ou la détresse, rarement s’assoupit-elle jusqu’au déclin. Ceux qui veulent, ardemment, la « diversifier », ne sont autres que des ignorants mêlés pour certains d’égoïstes multiculturels préférant déraciner des peuples là-bas pour venir raser la forêt ici. La douleur et les cadavres de l’identité gisent des deux côtés. Ces égoïstes songent le plus souvent à d’autres desseins tels qu’un électorat plus favorable ou des masses salariales peu exigeantes, pour ne reprendre que ces exemples, ainsi que l’intérêt pour un peuple désuni, incidemment plus faible pour ses revendications (seule une sous partie du peuple se soulève, une communauté, plutôt que tout un peuple) mais aussi moins armé pour résister à une mondialisation économique homogénéisante.
Lorsque nous ne serons plus qu’un imbroglio indistinct, alors nous ne relèverons plus que de variables économiques, et nous n’intéresserons plus les autres cultures restantes autrement que pour quelques raisons froidement pécuniaires. Et c’est très triste. Excessivement désespérant.
A.C.M

La véritable diversité, telle que l’on devrait la respecter au sein de chaque nation du monde et de chaque continent, est à l’image d’un orchestre symphonique : tant d’instruments si différents unis pourtant par une symphonie en une harmonie parfaite grâce à de presque identiques racines originelles.