Veilleurs,
A l’heure de la course à l’individu, à une jouissance sans entrave et à un profit sans borne, vous vous asseyez là, ensemble, et vous demandez ce dont l’Homme a réellement besoin, et si ses aspirations actuelles, toutes personnelles qu’elles sont, ne nuisent pas aussi à tous les Hommes.
A l’heure de la quête de la facilité et à l’assistanat, vous vous asseyez là, avec constance, et tenez tête à un monde qui ne supporte plus la moindre des remises en question. Face à vous, parfois, souvent, la violence verbale, l’agressivité et la provocation. Je pense en particulier aux Veilleurs d’Angers mais pas seulement à eux. La violence est fille aînée de la facilité et préserve même de l’effort d’une quelconque réflexion. Elle est la désœuvrée qui croit combler l’absence de réflexion et d’argument. Elle est l’animale qui réagit face à la peur de ce qu’elle ne comprend pas. Elle est l’égoïste qui fulmine face à l’idée de ne plus jouir sans entrave. Elle est la faible qui ne contrôle pas ses fureurs. Elle est l’ignorante qui ne sait pas s’armer de verbe. Votre non-violence et votre maîtrise de soi face à l’hystérie, au contraire, représentent un effort puissant et un exercice douloureux. Vous qui êtes si proches de l’Homme ne pouvez être dénué de sensibilité et chaque affront est une douleur aiguë. Mais vous demeurez là, impassibles à leurs mitrailles, et continuez ainsi à protéger leurs enfants comme vous protégez les vôtres car c’est à l’avenir de tous les Hommes que vous songez, tandis que ceux-ci, antifas, etc., ne font que perpétrer, par ces actions, le règne de la facilité éternelle et de l’absence d’interrogation.
A l’heure de la course au futur et à un passé jetable, vous vous asseyez là, en silence, et considérez le présent et l’avenir non par le prisme de l’immédiat mais par le prisme du passé et de la réflexion. Par un présent qui prend le temps et un esprit qui prend le pari de l’écoute, vous êtes une passerelle jetée entre hier de demain. Tandis qu’au dessus de vos têtes les idéologies se forment et se déforment comme les nuages dans la tempête, vous construisez, imperturbables, l’avenir sur le socle du temps, ultime sagesse qui devrait pourtant couler de source comme elle le fit durant des millénaires. Vous le savez, ce qui s’enfonce dans le passé ne vieillit pas forcément. Les fondements de notre civilisation, par exemple, qu’ils soient chrétiens, laïcs ou antérieurs à tout cela, ne sont autres que les fondations sur lesquelles nous reposons, des bases posées là par nos ancêtres, les grands traits de notre schéma civilisationnel. L’idée que toute chose se périme forcément est issue d’une vision consumériste et progressiste où plus rien n’a de valeur que dans l’éphémère, où chaque chose se vaut et se doit de tomber un jour en désuétude afin d’être remplacée. Rapidement si possible. Au point qu’aujourd’hui la nature elle même se doit d’être dépassée en toute chose. Ainsi pourtant, la complémentarité homme-femme, considérée comme une vision dépassée, ne peut pourtant en rien souffrir de désuétude, car par essence elle n’a pas d’âge, et par définition elle est la fin et l’origine du monde.
Pardonnez ma partialité éventuelle, mais vous êtes, selon moi, les véritables humanistes. En effet vous protégez l’humain, dans son essence, dans sa nature, dans sa globalité, et vous vous y astreigniez ardemment, tandis que de faux humanistes, se revendiquant pourtant comme tels à cor et à cri, ne travaillent en fait sans relâche qu’à une parcelle infime de l’humanisme : celui de la recherche du plaisir de l’individu, de la course à une liberté qui ne dépendrait plus de celle des autres, faisant fit des conséquences et de la disharmonie destructrice d’un pareil humanisme. Ne s’occuper que de cette partie infime de l’humain implique fatalement qu’à côté de cela on avilisse l’homme ou la femme, pour son propre plaisir, pour son propre confort. Je pense en premier lieu à la GPA, que de soit disant féministes et humanistes revendiquent par confort et par égalité alors même qu’il implique immédiatement l’avilissement de la femme. Je pense aussi à une surconsommation mondialisée qui détruit autant la planète que les peuples, et atteint donc les Hommes dans leurs âmes et dans leurs corps. Nous pourrions multiplier ainsi les exemples. Bien étranges humanismes que ceux qui en deviennent déshumanisants… Heureusement, vous êtes là. Comme si, dans la marche folle de la foule, un individu, puis quelques-uns, s’arrêtaient soudain, contemplant enfin le monde, ce qui l’obnubile et ce qu’il ignore, et s’assied ici, malgré la perte de temps, malgré le froid ou le chaud, malgré les rires ou les insultes, simplement pour réfléchir et se demander : et si, au fond, nous courrions vers quelque précipice ?
Les gens qui critiquent les veilleurs sont parfois aussi de ceux qui s’indignent contre les méfaits de la finance et de la mondialisation. Plongés pourtant au plus profond d’idéologies relativistes, de jouissance, de consommation, où tout doit se valoir, où toute frontière doit tomber, qu’elle soit frontière entre civilisations, entre époques, entre meurs, ou entre nature et progrès, ils en sont et le fruit et la graine. Ces hommes sans réflexion, en croyant défendre l’humain contre quelque obscurantisme, le conduisent pourtant vers sa marchandisation.
Heureusement, vous, Veilleurs, vous êtes là, pour la France, pour l’humain. Vous êtes l’espérance.
A.C.M
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